Je suis le professeur, le médecin en chef, l’empiriste expérimenté.
Vous êtes mes étudiants.
Nous sommes sous les feuilles gigantesques du todeng.
Le professeur ouvre les bras :
mais d’abord je vais danser la valse circulaire du todeng.
Regardez-moi passer d’une jambe sur l’autre au clair de lune.
Regardez-moi me balancer sur un rythme à trois temps, tanguant doucement comme un navire sur le sein immense de la mer.
Si le professeur tombait maintenant, il pourrait recevoir des brûlures au second degré, causées par les substances toxiques contenues dans le sol.
Les acides mordent profondément dans les tissus organiques.
Les étudiants l’observent au clair de lune.
Chers collègues.
Sous les feuilles gigantesques du todeng, ils baissent la tête, fouillent la terre toxique de leurs orteils mobiles et commencent à fredonner.
En tant que vieil empiriste, j’aimerais vous inviter à assister ici à une expérience unique. Veuillez vous disposer en demi-cercle...
Le professeur penche le buste en avant et plie les genoux.
Sa tête touche la peau pachydermique de la feuille de todeng.
La plante projette son ombre allongée sur lui.
Les jambes du professeur sont rouges.
Les jambes des étudiants sont dorées.
Les étudiants se tiennent en demi-cercle et chantent :
Elles existent de toutes les couleurs et de toutes les formes, et elles sont tout simplement merveilleuses pour marcher !
Elles sont plus légères que nos anciennes jambes organiques.
Nous avons une démarche gracieuse et élégante.
La mobilité de l’articulation du genou est remarquable et la fonction ressort de la cheville est fort plaisante.
Nous pouvons sauter très haut si nous le voulons.
Tout le monde porte des prothèses intégrées. Professeurs, étudiants, patients…
De nos jours, tout le monde a ses prothèses vissées directement dans le fémur après l’amputation des jambes.
La Recherche est si avancée que la production de masse de ce matériel nécessaire, spécifique, multi usage et permanent ne présente aucun problème.
Seuls 2% des cas montrent des complications lors de la jonction des matériels organiques et artificiels.
Tout le monde porte des prothèses intégrées. Professeurs, étudiants, patients…
Le professeur se tient sous une énorme feuille de todeng.
S’il vous plaît, arrêtez de chanter et regardez- moi !
Il ouvre les bras.
Chers collègues! Maintenant je vais danser la valse circulaire du todeng.
Le professeur penche le buste en avant et plie les genoux.
Sa tête touche la feuille géante du todeng.
Sa blouse blanche de docteur est repliée sur son dos.
Ses testicules en dépassent et reçoivent la lumière lunaire.
Regardez-moi passer d’une jambe sur l’autre.
Regardez-moi me balancer sur un rythme à trois temps, tanguant doucement comme un navire sur le sein immense de la mer. Observez comment j’approche le rythme de la plante.
Observez mes pieds rouges.
C’est devenu une routine de couper les membres menacés et dangereux à terme dès que la personne atteint l’âge adulte.
Cette procédure évite à beaucoup d’être témoins de la mort graduelle et douloureuse de leurs jambes.
Les prothèses intégrées sont vissées directement dans le fémur.
Seuls 2% des cas montrent des complications lors de la jonction des matériels organiques et artificiels.
Elles existent de toutes les couleurs et de toutes les formes.
Elles sont plus légères que les jambes organiques.
Le professeur danse la valse du todeng dans sa blouse blanche, avec un masque chirurgical devant la bouche.
Il se balance sur un rythme à trois temps.
Pendant que le professeur tourne lentement sous les géantes feuilles des todengs, tous ses étudiants peuvent observer la texture, la taille et la forme des deux boules pendantes.
Comme vous le savez — s’exclame le professeur en dansant —
durant les vingt dernières années un nombre croissant de forêts de todeng a été planté en Europe.
Une des caractéristiques les plus notables de ces plantes est leur capacité à tirer leur nourriture d’un sol hautement toxique.
Les feuilles de todeng sont gigantesques.
Elles se balancent doucement de haut en bas, agitées par le vent de la nuit.
Pendant que des millions de racines, fines comme des cheveux, sucent avidement la terre toxique, le reste du système nourricier de la plante pousse vers la lumière de la lune.
Les nutriments doivent subir un processus complexe de filtrage – nécessitant la lumière lunaire – avant de se dissiper à la périphérie des feuilles.
Chers collègues ! En tant que vieil empiriste, je vous invite à être les témoins, ici et maintenant, de cette expérience nocturne.
Les étudiants attendent, formant un rang autour de leur professeur.
Mais tout d’abord – il ouvre les bras –
je vais danser la valse circulaire du todeng.
Encore ? Les étudiants se regardent les uns les autres.
Quand l’expérience commencera-t-elle pour de bon ?
Ne soyez pas si cryptique, professeur !
Le professeur recommence sa danse.
Oh, je peux déjà sortir le premier bourgeon ! s’écrit-il, pivotant autour de son axe.
Ses testicules touchent une grande fleur hermaphrodite cylindrique.
Cela s’enroule et tourbillonne en moi, cela touche ici mes intestins, ici gentiment mon foie. Une vie pure émergera bientôt de moi !
Les étudiants froncent les sourcils.
Qu’est-ce que cela est censé signifier ?
Et qu’est-ce que cette démonstration intéressante a à voir avec les todengs ?
Le professeur respire spasmodiquement.
Regardez comment je m’approche du rythme des plantes.
Regardez comment je me fonds dans cette forêt et dans la jungle de votre présence.
Regardez comment les hautes branches des todengs commencent à vibrer avec moi.
Observez mes pieds rouges.
Observez mes tétons, ces bourgeons d’espérance. Vous êtes témoins…Ach, j’ai des vertiges.
Les étudiants deviennent nerveux.
Cher collègue, ne pensez-vous pas que vous puissiez être victime d’une grossesse hystérique causée par ces plantes ?
S’il vous plaît, ne confondons pas une expérience scientifique et un simple tour de passe-passe !
Le professeur tourne de plus en plus vite.
Il respire spasmodiquement, la bave aux lèvres.
Il arrache la blouse blanche de son corps.
Ses hanches entrent en vibration.
Brusquement il lève des bras tremblants et jette la tête en arrière.
Des fontaines de fluide laiteux jaillissent de sa poitrine.
Des éclairs blancs jaillissent des yeux du professeur et ses jambes se mettent à luire.
Autour de lui, les racines et les tiges des todengs luisent.
Le sol autour du professeur luit.
Les étudiants font quelques pas en arrière.
Le professeur tourne de plus en plus vite.
Ses prothèses intégrées ne fondent pas.
Au secours, le professeur risque de tomber !
Si le professeur, maintenant en état de quasi-transe, venait à tomber, il serait brûlé au second degré par les substances toxiques contenues dans le sol.
La lueur de la terre s’éteint petit à petit.
Le professeur ne peut plus contrôler les mouvements de ses jambes !
Il glisse.
Ses prothèses !
Les étudiants se ruent vers leur professeur.
Alors qu’il tombe, il attrape de justesse une branche de todeng.
Un regard à ses jambes révèle l’incroyable vérité.
Ses prothèses intégrées perdent leur prise dans les fémurs !
Le professeur se hisse sur la branche de todeng et repose maintenant suspendu par les hanches dans le clair de lune.
Il peut sentir les douces épices de la branche se presser contre son ventre.
Professeur ! s’écrient les étudiants.
Certains d’entre eux veulent le retirer du todeng, pour le sortir au plus vite de la forêt.
Laissez-moi ! Vous ne voyez donc pas ? De la vie pure va bientôt jaillir de moi !
Des larmes de joie coulent sur les joues du professeur.
Bientôt mes chers enfants todengs me connecteront avec la terre!
Ne les voyez-vous pas étirer leurs cous, pousser les prothèses hors de l’os ?
Effectivement, ses prothèses intégrées se dévissent lentement des fémurs, comme mues par une main invisible.
Finalement les prothèses intégrées se détachent et tombent sur le sol avec un bruit sourd.
Elles roulent sous une énorme feuille de todeng.
Des flots de sang jaillissent de ses jambes.
Chers collègues ! Le professeur ouvre les bras, toujours suspendu par les hanches.
Le bout de ses doigts touche presque le sol toxique.
Soyez témoins de la première naissance todeng !
Restez avec moi pour assister à cet événement merveilleux.
Le groupe d’étudiants s’approche calmement, soudain intéressé.
Ils sont abasourdis à la vue des germes de todeng, fines comme des capillaires, qui sortent des moignons de jambes du Professeur.
À chaque respiration, j’accélère le processus et incite les pousses à se frayer un chemin.
Mes enfants todeng bien-aimés grandiront vite.
Et qui sait à quelle hauteur je planerai parmi les faîtes des todengs, pour me balancer dans le vent avec elles...